Aujourd’hui, levé aux aurores, nous larguons les amarres et mettons le cap droit sur Minorque, l’île de l’archipel des Baléares la plus à l’Est. 200 miles nautiques de navigation nous attendent, soit environ 36 heures de mer.
Ca y est ! Après 15 jours en famille et avec les amis, nous quittons la France pour une année de voyage… Quel bonheur ! Un sentiment de plénitude m’envahit : enfin, c’est le moment tant attendu, l’aboutissement de mois de travail, nous nous sentons fin prêts et avons très envie de passer à l’action !
Dans les starting-block à 6:00, nous trépignons car la boulangère me renvoie au bateau les mains vides : nous sommes trop matinaux, les baguettes ne sont pas cuites… Mais nous tenons à fêter notre départ au large, autour d’un petit-déjeuner bien français, profiter ainsi une dernière fois de ces délicieuses baguettes et viennoiseries avant un bon bout de temps… Nous patientons donc 30 minutes de plus et Philéane me raccompagne au fournil pour ces dernières foulées sur le sol français.
Le bateau est au port de Sanary sur Mer, au pied de l’hôtel De La Tour, avec vue sur l’église et son joli clocher : petite pyramide blanche encadrée de palmiers. Centenaires ? En tout cas très hauts ! Une délicieuse fraicheur accompagne le réveil de cette charmante petite ville, les livreurs s’activent déjà et les stands se construisent pour le marché. De nombreux pointus, ces bateaux typiques de Méditerranée, arborent fièrement de magnifiques couleurs. Ces vieux gréements sont nombreux à Sanary et contribuent au charme du port. Plusieurs pêcheurs vendent leurs poissons en direct le matin sur le quai, chacun disposant d’un petit étal.
Hier, première mésaventure, nous revenons de notre découverte de la vieille ville et constatons, tous penauds, que notre passerelle a disparu ! Comme le bateau bouge un peu, elle a dû finir par se décaler et tomber dans le port, cette bonne blague..! Les gars de la capitainerie, adorables, ont essayé de nous la repêcher avec les moyens du bord, mais sans succès, et William a dû se résigner à goûter l’eau trouble et vaseuse du port…. Peine perdue, on n’y voit goutte ! Heureusement, une charmante plongeuse professionnelle nous propose ses services et nous remonte notre chère passerelle… Ouf, nous nous réjouissons de cet heureux dénouement et serons certainement plus vigilants la prochaine fois !
Que les gens du sud sont accueillants! Cette maxime sûrement caricaturale et simpliste nous revient cependant très souvent en tête ces derniers jours. Est-ce notre bonne humeur, notre projet qui colore la vie en rose ? En tout cas, nous avons pu apprécier à de nombreuses reprises la gentillesse de toutes les personnes rencontrées à La Grande Motte, puis lors de nos escales, entre Les Saintes Maries de la Mer, Sausset les Pins puis Sanary.
Pour notre première traversée nous avons une météo très calme, avec des heures de moteur en perspective… Mais pour l’instant je préfère cela aux coups de vents de Méditerranée. Chaque chose en son temps, je suis encore très marquée par le retournement du catamaran de Charles, le frère de Willam et j’aimerais bien prendre mes repères tranquilou avec En Arbenn avant d’essuyer les premières grosses rafales… Après plusieurs heures de mer et une première rencontre de dauphins, le vent tombe complètement, on roule le genaker (une grande voile d’avant entre un spi et un génois). Avant de relancer les moteurs, je profite avec Philéane d’une vitesse quasi nulle pour faire une petite baignade. Nous lançons alors toujours par sécurité un parbatage (boudin gonflé) accroché à un long bout. Bon, histoire de calmer mes phobies, je demande aussi à William de bien vérifier qu’aucun aileron ne se promène dans les environs…. Mais 10 minutes à peine s’écoulent et William et Pierre s’écrient en cœur : il y a quelque chose au large, peut-être une baleine !??
Branlebas de combat, tout le monde remonte à bord et nous faisons route vers le jet aperçu. On s’approche doucement. Même si la partie émergée est réduite, la masse qui s’approche semble très imposante ! Quelle majesté ! Nous sommes tétanisés par cette rencontre improbable, un peu apeurés aussi par sa taille, peut-être une ou deux fois plus grande que notre bateau ? Difficile à dire car nous avons une vision très partielle de son corps. Sa trajectoire semble droite. Nous sommes maintenant à environ 50 mètres d’elle, sur le côté. La surface de son corps est extrêmement lisse, créant un contour de toute beauté. Le déplacement est tranquille. Nous voyons le jet à plusieurs reprises et surtout l’aileron dorsal et peut-être une bosse devant ? Elle continue son chemin et nous reprenons notre route, un peu sonnés par le merveilleux choc de cette rencontre. Nous sautons sur le guide nautique, qui confirme l’identification de l’animal : d’après l’aileron, une baleine appelée rorqual commun, le deuxième plus gros animal au monde après la baleine bleue. Sa taille peut atteindre jusqu’à 22 mètres et son poids 70 tonnes. Elle peut vivre jusqu’à 80 ans. On en compte plus d’un millier dans cette zone. Sa technique de pêche est assez cool : bouche ouverte, elle avance tranquillement en filtrant l’eau par ses fanons, mangeant uniquement des minuscules crevettes sous forme de plancton : les krills. Ca doit être la copine de Pinocchio…?
A peine remis de cette aventure, Philéane s’écrit : des dauphins! Effectivement une multitude de dauphins passent maintenant devant nous au large, à toute allure, certains effectuant des bons prodigieux ! Nous devinons une cinquantaine d’individus, ils sont en chasse sur un banc de poisson et n’ont pas le temps de venir jouer avec nos étraves… Un petit quart d’heure plus tard, William s’écrie à son tour : une tortue ! Nous allons doucement à sa rencontre, l’approchons à une vingtaine de mètres. Elle continue sa nage, sans réaction particulière. Nous quittons notre première tortue et reprenons notre cap vers Fornells, sur la côte Nord de Minorque.
Encore une trentaine d’heures devant nous. La fin de la journée sera encore ponctuée de 3 autres rencontres de dauphins, venant jouer pour le bonheur de tous à l’avant du bateau. Quelle journée!
Mais c’est déjà l’heure du dîner, il est 20:30, le soleil se couche et aucune autre lumière que celles des étoiles ne viendra éclairer notre route… Nous avançons maintenant dans les ténèbres et espérons ne plus croiser de baleines ! Un peu tendue pour ce premier quart de nuit depuis plusieurs années, j’observe plus que de raison l’évolution de la trajectoire des bateaux qui nous entourent… La nuit est fraîche en mer. Philéane m’assiste, recherche aussi de nouvelles lumières, me racontant ses histoires, puis lance finalement une partie de Scrabble. William prend la relève à 01:00 et ne me réveille qu’au levé du soleil, à 06:30 ! Quel bonheur, une nuit presque complète, merci capitaine…
Deuxième jour de traversée , nous faisons toujours cap au 202, sud sud-ouest. Toujours pas de vent, une mer d’huile et un horizon brumeux effacent la limite entre ciel et mer. Notre vitesse est de 5 nœuds. Faisant route essentiellement au moteur, nous alternons l’emploi des moteurs tribord et bâbord, limitant notre vitesse d’environ un demi nœud, mais divisant ainsi par deux notre consommation de gasoil et l’usure des moteurs. Pierre aperçoit une tête de tortue émergeant à la surface, mais nous devons continuer notre route pour essayer d’arriver avant la nuit. Nous devrions atteindre Fornells vers 21:00.
19:00, nous approchons des côtes sous gennaker à 5 nœuds. Cette journée fût bien tranquille comparée à hier ! Ah si, quand même un peu de suspens et d’agitation à trois reprises : nous avons pêché ! Oui, mais rien remonté… Il semblerait que notre super équipement nous dépasse un peu… Le premier poisson a intégralement tout emporté : bas de ligne et quelques 500 mètres de fil…. En cause le moulinet silencieux, car nous n’avions pas activé le bruit et arrivions trop tard sur la canne… Ensuite, deuxième chance, mais le fil a cassé… Trop de frein ? Puis la dernière prise s’est décrochée
Nous avons mis les photos en ligne dans l’onglet Photos ou bien directement ici
This article was written by Isabelle